Le prof est assis, bras croisés sur le bureau, face à une bonne trentaine d’étudiantes plus ou moins attentives. on vient de me le souffler dans l’oreillette : « plutôt moins ! »
C’est un cours universitaire. Du sérieux. Du lourd. Un cours de versification. Le texte à l’étude, c’est Polyeucte, de Racine.
Qu’il est long ce cours… Sans jeu de mots… De plus il est mal placé sur l’emploi du temps. En fin d’après-midi. Elles n’ont qu’une envie ces demoiselles : rentrer chez elles. Qui pour retrouver un mari, qui un ami, qui « Le miel et les abeilles »… Que des trucs de la vraie vie, quoi !
Mais le prof vient de dire quelque chose. Quelque chose qui n’a pas été compris.
Il a dit : « et dans ces vers morts…. »
Qu’importe la suite ! Elle est sûre d’elle. Les « vers morts » : inconnus au bataillon. Pourtant, elle a travaillé les figures de style. Non « les vers morts », ça ne lui dit rien.
Voyons ce qu’en pensent les copines.
Elle regarde à droite… Christine n’a rien écrit sur sa feuille. Pourtant c’est la championne de la prise de note, Christine. Et à son air perdu, elle non plus ne sait pas ce que sont des vers morts.
A gauche, même blanc sur la feuille et même vide dans le regard.
Des deux côtés, le même hochement de droite à gauche du menton. Personne ne sait ce que sont « des vers morts ».
Relire les vers dont il est question. Interroger les rimes… Questionner le rythme… Rien… Des vers morts…. ?
Alors, n’écoutant que son courage, et elle ose interrompre le cours tranquille. Elle sera celle qui éclairera ses compagnes d’incompréhension !
Elle s’excuse, vraiment, de déranger. Elle est désolée de n’avoir pas réagi assez vite mais… Elle voudrait revenir en arrière. Juste il y a quelques minutes. Au moment où… Et la question est sans doute formulée presqu’ainsi : « c’est quoi des vers morts ? »
Silence attentif dans la salle.
Silence du prof qu’on vient d’interrompre et qui ne comprends pas la question…
Des vers morts ?...
Oui, oui, des vers morts. Et elle de citer ce qui a précédé…
Silence. Encore.
Dans ce silence on se rend compte qu’elle n’est pas la seule à ne pas savoir. En revanche, il faut le reconnaître, elle a été la seule à avoir le courage de lever la main, d’interroger le grand homme, d’avouer son inculture…
Ce silence a été profitable au prof qui a eu le temps de relire, vite, ses propres notes. Aurait-il commis une erreur ?...Non. Son regard s’est éclairé d’une lueur moqueuse.
« Vous m’avez mal entendu Madame, je parlais de Sévère, le personnage principal, qui est cru mort. J’ai donc dit que, dans Sévère mort…. »
Glurps……… Oreille écarlate pour celle qui a posé la question. Tête dans les épaules pour Christine. Ecriture plus appliquée pour celle de droite.
J’en ris encore. Christine ne s’en lasse pas… Oh ! Ça va hein !... J’aurais pu choisir de raconter contumace !! Ah ! Mais!….
Oui, l’inattentive c’était moi. C’était à la faculté d’Amiens. En quelle année ?... Pfff… je ne sais plus.
Mais j’ai bien retenu que ces vers morts ne sont pas une figure de style !
Dis, lecteur, tu te souviens de ta plus grosse honte ?... Tu la raconterais dans les coms ? (Bon, oui, je suis prête à (presque) tout pour vous lire dans mes coms !)
jeudi 12 mars 2009
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J'ai une copine qui a interrompu un cours d'histoire (et surtout interrompu son bavardage) au lycée parce qu'elle avait saisi au vol une curieuse expression :
RépondreSupprimer"M'sieur, c'est quoi un paradoxe allemand?"
C'était juste un adverbe...
Plus tard, à la fac, une agrégée - que j'appelais charitablement Sex-bomb - s'est payée la honte (heureusement qu'on n'était que cinq dans la salle) en corrigeant un éminent professeur :
"On dit pas les tablettes d'en cire, mais les tablettes en cire".
Au moment où elle prononçait ces mots, j'ai moi-même compris l'expression - j'étais resté un temps interloqué et silencieux pour me donner le temps de réfléchir :
les tablettes d'Ancyre, bien sûr.
Le plus drôle c'est que ça devient l'histoire dont on rit à tous bouts de champs.... Nos élèves parfois ne sont pas pires que nous!
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